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le roman d’un rallié

Elle s’était imaginée être au bout de son évolution féminine et n’avoir plus qu’à vieillir. Mentalement, elle se comparait à une vigne dévastée par le feu où rien ne peut plus germer ; il y avait du vrai dans cette comparaison : la douleur avait bien mis à nu l’ossature de son âme comme un incendie, en détruisant la végétation qui couvre une colline, en dessine le squelette de terre et de pierres. Mais le feu ne stérilise pas le sol ; les arbres repoussent, et la colline, sous un nouveau manteau de verdure, reprend ses lignes ondulantes. La femme qui se croyait ainsi retranchée du monde vivant n’avait pas trente ans ! Elle avait été une épouse trop aimante et trop fidèle pour que jamais un second amour pût la faire vibrer ; mais il lui restait les joies maternelles, pâles à côté des autres, réelles pourtant et auxquelles d’avance elle ne voulait pas croire. Et combien elle en eut tiré de consolation sans le malentendu intellectuel, qui, de bonne heure, commença à se creuser entre son fils et elle : l’éternel malentendu qui résulte de la différence de niveau entre deux générations et de l’inaptitude séculaire des parents