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le roman d’un rallié

Pierre Braz bavardait. Étienne eut toutes les peines du monde à s’échapper ; il prit sa course le long d’un sentier dont il connaissait les moindres détours. La nuit était profonde. Sous les pas du jeune homme craquaient les branches mortes et les feuilles sèches : il manqua de renverser un vieux bucheron, un peu ivre, qui rentrait chez lui en caressant une bouteille vide et en lui chantant une chanson à boire. « Eh bien, père Yvon, cria Étienne, qu’est-ce que vous racontez donc à votre bouteille ? Dépêchez-vous de filer ; le grand Goeland est dehors ! » Le grand Goeland était un immense oiseau avec des ailes de fantôme qui courait, la nuit, à hauteur d’homme, dans les bois et dont l’attouchement était mortel. L’ivrogne saisi, jeta la bouteille et détala. Étienne s’arrêta pour mieux rire ; il se trouvait tout près de la lisière. À deux pas de lui le sentier débouchait sur les pelouses qui entouraient le château. Il aspira l’air frais très doux, un peu humide ; il s’étonna de le trouver si différent de l’air sec et excitant de l’Amérique auquel il s’était très vite habitué. Puis il reprit sa marche et vit, de loin, les trois fenêtres de sa chambre et