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le roman d’un rallié

travers laquelle passaient des figures aimées, des scènes de son enfance, les impressions récentes de son voyage..… Mais lorsqu’il s’est retrouvé dehors très tard, et qu’il a vu s’évanouir derrière lui la silhouette des grands clochers blancs, une interrogation obsédante et douloureuse s’est emparée de lui. Reviendra-t-il jamais ? Reverra-t-il jamais ce qui l’entoure ce soir ? La question s’est posée, indéfiniment, comme un refrain de cauchemar, et son regard avide s’est appesanti sur les objets les plus insignifiants comme pour les saisir et en emporter une image précise. Avec inquiétude, il a compté chacune des rues transversales, identiques et banales, qui se montraient un instant à lui ; il a compté les heures qui le séparaient du départ, anxieux comme le condamné à mort supputant ce qui lui reste à vivre. Et s’étant trouvé ridicule, il a cherché à se secouer, à reconquérir son calme d’homme fait… Mais l’obsession était la plus forte. Ah ! cette dernière soirée, comme elle a été pénible et sotte ! Le dîner solitaire chez Delmonico, puis Madison Square traversé en rentrant avec son asphalte