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le roman d’un rallié

vitesse et d’air pur ; leur jeunesse goûte avidement la joie physique de l’allure accélérée et, sans oublier leurs préoccupations douloureuses, ils éprouvent comme la sensation bienfaisante d’une trève, d’un néant momentané… La course se prolonge ainsi sous le ciel bleu ; ils ne rencontrent personne ; ils ne se parlent pas ; ils échangent parfois un sourire et Étienne se prend à souhaiter de courir de la sorte longtemps, très longtemps, puis d’arriver à l’improviste au bord du vide, devant le grand canon du Colorado et d’y tomber tous deux d’une chute indéfinie, enlacés l’un à l’autre…

À présent, c’est le retour !… Ils se sont arrêtés, tout à l’heure, dans une sorte de clairière et Mary, descendue un instant, s’est étendue sur l’herbe pendant qu’Étienne tenait les chevaux. Puis, ils ont repris leur route tristement, avec l’instinct de la séparation prochaine. La jeune fille rompt le silence la première et se tournant vers son compagnon : « Étienne, dit-elle, vous m’avez offert de vivre ici, je sais que vous êtes prêt à le faire et je vous en ai une reconnaissance