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sentant de taille à les mater en cas qu’il fut besoin. Il avait taillé sa fonction à sa mesure. Tout y venait aboutir ; tout en partait ; son fauteuil serait le siège d’un Jupiter attentif à ne laisser se produire aucun empiétement. En somme, dans cette organisation à la fois insidieuse et rudimentaire, le chancelier représentait l’instrument solide mais unique au moyen duquel le roi de Prusse gouvernait l’empire ; conception anti-évolutionniste d’où il appert que le prince de Bismarck partageait avec certains hommes illustres cette infirmité de se prendre pour Josué, de s’imaginer inconsciemment pouvoir fixer le temps et qu’ainsi il ne tenait dans ses raisonnements aucun compte du mouvement futur des êtres et des choses. L’œuvre vraiment grande est celle d’un Richelieu et d’un Colbert ou encore d’un Cecil Rhodes et d’un Roosevelt ; dessinée et mise en train par de tels artisans, elle l’est de façon assez puissante pour imposer en quelque sorte son achèvement aux générations suivantes. L’œuvre de Bismarck ne possède à aucun degré ce caractère ; elle revêt un aspect tout à la fois inachevé et définitif ; on ne pourra la compléter qu’en commençant par la détruire.