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la chronique

Pécuchet (c’étaient leurs noms et le titre du livre) s’essayent successivement à l’agriculture, à la science, à la politique ; rien ne leur réussit et surtout rien ne les contente ; ils gardent, au fond du cœur, la nostalgie du bureau vers lequel ils reviennent à la fin, heureux de reprendre l’unique labeur propre à satisfaire leur médiocrité. Si le détail est parfois un peu exagéré, l’observation est fine et la thèse est juste. Le petit employé Français est cerclé dans un moule et on ne peut plus le démouler pour en faire autre chose.

D’autre part, cette idée que sa fonction est plus honorable, plus élevée, plus aristocratique que les autres, l’actionne et le soutient à travers les ennuis et la gêne. Le plus souvent, il n’a rien à lui ; et même si ses parents lui ont laissé un peu d’argent ou bien qu’il soit parvenu à réaliser quelques économies sur son mince budget, il suffit de malheurs domestiques ou d’un mauvais placement pour que ce pécule s’évanouisse sans retour. Le petit employé est d’une extrême naïveté sur ce dernier point ; lui, parfois si méfiant pour le reste, se laisse prendre à la plus vulgaire réclame financière ; c’est avec l’épargne des petits que se font chez nous toutes les mauvaises affaires. Quant