Page:Pierre de Coubertin - Chronique de France, 1902.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.
203
de france

L’intellectualisme est donc sur le pavois et, dans ces conditions, il ne pouvait se contenter longtemps de régir le goût ; il devait aspirer à d’autres directions. L’affaire Dreyfus lui en a offert l’occasion. L’homme de lettres s’est établi fabricant de morale sociale et entrepreneur de salut public. Cela lui fait un talent de plus. Il en avait déjà beaucoup : chroniqueur, critique, bulletinier, conférencier, causeur, professeur, confident, président de réunion, ornement de salon… Nous passons sous silence la qualité d’auteur. L’intellectuel arrivé ou en passe d’arriver n’écrit plus guère de livres ; c’est par là qu’il débuta ; à mesure qu’il progresse en notoriété, sa prose se fait rare ; il tourne à l’oracle ; mais il s’en faut que la ciselure se perfectionne en proportion. C’est que le temps manque. Un homme si occupé, qui a tant de devoirs à remplir, une correspondance si lourde à fournir, qui se voit investi par la société de tant de missions de confiance, comment voulez-vous qu’il puisse encore écrire des livres ! Il en publie c’est vrai ; mais il ne les écrit pas. Ce sont tous ses articles de l’année qu’il réunit en volume, toutes ses miettes, tous ses oracles. Hélas ! de l’oracle, cela n’a pas seulement la brièveté, mais