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la chronique

préoccupé de défendre l’État contre les citoyens comme si la guerre était perpétuellement déclarée entre eux. L’idée qu’il est le serviteur de tous ne l’effleure même pas ; il tient le fonctionnarisme pour une puissante aristocratie dont il est très fier de faire partie. Le résultat de cette manière de voir est de le rendre à la fois hostile aux améliorations et sourd aux réclamations ; il y voit un audacieux empiètement du citoyen sur les prérogatives de l’État. Ce n’est qu’en étudiant le fonctionnaire Français qu’on peut arriver à se rendre compte de cette bizarre idole que nous nommons l’État : mot vide de sens ailleurs, car, après tout, il ne représente que l’ensemble des services publics ; tandis que, chez nous, l’État est un être distinct, un personnage véritable, un Bouddha auquel nous rendons un culte qui, à tout prendre, est beaucoup plus formaliste que le culte rendu au vrai Bouddha par les Asiatiques.

Le fonctionnaire Parisien, en tout cela, ne diffère guère du provincial. Il se piquera parfois de parisianisme et affichera un scepticisme blagueur qu’il croit élégant et de bon ton et qui contraste plutôt lourdement avec la façon dont il comprend sa fonction et s’en acquitte. Au fond,