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la chronique

Faure, un homme politique, connu pour ses opinions « Dreyfusardes », s’étant écrié : Moi, je vote pour Loubet ! — Cette parole agit comme un mot d’ordre. Loubet était donc aussi un Dreyfusard ! Les nationalistes virent rouge ; ils négligèrent de regarder du côté du Sénat où se passait, ce jour-là, une scène significative. Quand leur président entra dans la salle des séances, presque résolu, dit-on, à refuser l’honneur qu’on voulait lui faire, les sénateurs se levèrent d’un même mouvement et le saluèrent d’une triple salve d’applaudissements. Cette ovation, à laquelle s’associèrent même des membres de l’opposition, en disait assez long sur les sentiments qu’Émile Loubet avait su inspirer à ses collègues. Son élection était dès lors assurée.

On eût pardonné aux nationalistes un moment de mauvaise humeur ; mais leur haine fut tenace autant qu’imméritée. Elle ne fut pas moins inutile. Le Président y répondit par un silence souriant, une dignité tranquille et un ferme sentiment de son devoir. La France sait désormais à quoi s’en tenir sur la valeur morale de son premier citoyen.