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France et l’Angleterre. Mais l’influence de l’un et de l’autre s’effaça lorsque Charles fut devenu roi d’Espagne et empereur. L’homme qui eût pu lui être le plus utile à son arrivée dans la péninsule ibérique et qu’il écarta injustement était le cardinal Ximénès, l’ancien ministre d’Isabelle, personnage de grande envergure, d’une probité rigide et sans doute peu maniable, mais généralement bien inspiré quand il s’agissait d’assurer la grandeur et le progrès de l’Espagne. La solide armée permanente de 40.000 hommes qu’il avait formée lui avait permis de tenir en respect la turbulence de la noblesse. Il avait, en outre, créé à Alcala une université modèle et, en 1509, conduit en Afrique une expédition qui s’était emparé d’Oran, en vue de créer là une sorte de Marche protectrice contre les retours offensifs de l’Islam. Le rapprochement de ces trois initiatives suffit à faire saisir la valeur de l’homme d’État. Charles, en somme, lui devait son trône mais l’entourage du jeune roi était enclin naturellement à redouter l’influence du cardinal. Celui-ci, fort âgé du reste, mourut peu après. Charles par la suite utilisa volontiers la bonne volonté et les services des membres de sa famille mais sans laisser aucune direction se substituer à la sienne. Sa tante Marguerite, sœur de son père, fut chargée par lui de gouverner les Pays-Bas en son nom lorsqu’il les quitta et à diverses reprises, il lui confia les négociations à conduire, principalement avec Londres et Paris. Son frère Ferdinand lui servit de régent en Allemagne. Deux de ses sœurs, reines de Portugal et de Hongrie, eurent aussi part intermittente à sa politique. Enfin, dans les derniers temps, il s’associa plus ou moins son fils Philippe auquel il voulait laisser l’Espagne et les Pays-Bas.

En Angleterre, deux figures encadrent celle du roi, le cardinal Wolsey et Thomas Cromwell, favoris successifs presque également cyniques dans leur aisance à mêler le spirituel et le temporel et à sacrifier toute justice aux caprices de leur maître. Wolsey était fils d’un riche bourgeois de Norwich ; sa carrière ecclésiastique s’annonçait modeste quand Henri viii, s’étant entiché de lui, le fit à la fois chancelier et archevêque d’York. Prélat mondain et fastueux, mais peu instruit, il se fit beaucoup d’ennemis par ses façons hautaines et se complut dans toutes les intrigues susceptibles de le conduire à la papauté. Lorsque Léon x mourut, il eut l’imprudence, en posant sa candidature, de promettre publiquement de fortes sommes aux membres du Sacré Collège. Après sa disgrâce en 1530, Thomas Cromwell qui avait été receveur des revenus du cardinal, le remplaça dans la