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études historiques

orgueil, leur cruauté, leurs exactions semèrent et entretinrent la haine autour de leur nom. En même temps ils furent corrompus et affaiblis par les richesses qu’ils avaient amassées. Lorsqu’unie à la Lithuanie, la Pologne eut acquis un surcroit de puissance, la bataille de Grünwald (1410) la délivra du péril. Encerclé par elle, l’État teutonique se trouva réduit à payer tribut. L’ordre demeura abaissé mais son esprit agressif survécut à sa fortune. Au xvie siècle par une manœuvre hardie, le dernier Grand maître, Albert de Brandebourg, devait créer une situation nouvelle en se convertissant au protestantisme naissant et en sécularisant les domaines qui lui restaient. Ainsi se forma sous la suzeraineté des rois de Pologne, le duché de Prusse, instrument d’une germanisation encore plus dangereuse pour les Slaves parce que moins apparente.


Le communisme tchèque.

… Toute la Bohême se leva. Un peuple entier se sépara de Rome. À Prague, la révolution s’affirma par la prise de l’Hôtel de Ville (1419) et la « défénestration » des conseillers qui résistaient. Dès 1420, la révolte, organisée, restait maîtresse du terrain. Elle était à la fois démocratique et slave. Toutes les idées d’émancipation sociale et d’égalitarisme qui depuis un demi-siècle agitaient l’Europe semblaient s’être concentrées en Bohême. Contre elles, la bourgeoisie allemande fit bloc accentuant le caractère ethnique du conflit. La masse des paysans et la petite noblesse (ceux qu’on appelait les chevaliers) se trouvèrent comme soudés ensemble par des passions d’ordre différent sinon contradictoire, la passion révolutionnaire et la passion nationaliste. Les ententes de cette sorte ont une puissance d’offensive extrême mais peu durable. Celle-ci mit pourtant quatorze ans à s’épuiser (1420-1434) et ses violences la perdirent. Le camp de Tabor fut le centre du mouvement ; Ziska, le chef, était un fanatique mais habile et courageux. Déjà borgne, il perdit complètement la vue et continua néanmoins de conduire la guerre : une guerre moderne, novatrice en tactique et en stratégie, où des charrettes armées servaient alternativement de remparts et de chars d’assaut. À Ziska succéda Prokop (1424) qui organisa une véritable terreur