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trois faces ». (Trinacria comme l’avaient appelée les anciens) lui était apparue dès le principe comme l’escale essentielle de tout le mouvement d’échanges entre le monde arabe et l’Europe occidentale. Son fils, Roger II (1105-1154) acheva l’œuvre. De comte devenu roi, ayant pour finir annexé Naples et tout le sud de l’Italie, dont il dépouilla son neveu (le fils de Robert Guiscard), il créa le vaste État qui devait s’appeler d’un nom bizarre : le royaume des Deux Siciles. Et ce fut probablement cette extension trop rapide et plus encore le luxe éclatant dont s’entoura la nouvelle monarchie qui lui suscitèrent tant d’ennemis. Roger II eut à faire face à des attaques volontiers coalisées du Saint Siège et des empereurs byzantin et germanique. Il les repoussa, porta même la guerre jusqu’à Athènes ce qui ne l’empêcha pas de diriger sur l’Afrique des troupes qui occupèrent Gabès, Sfax, Sousse, Bône. Partout où ses armes triomphaient, des exploitations agricoles naquirent, des comptoirs se créèrent. Il y avait à Thèbes des tissages de soie réputés. À l’aide de salaires surélevés, Roger attira les tisseurs à Palerme. Ainsi, par tous les moyens s’efforçait-il de développer à la fois l’industrie et les échanges. Protecteur des savants et des artistes, il fit de sa capitale un centre intellectuel merveilleux tandis que les architectes appelés par lui y élevaient ces monuments dont la postérité n’a cessé d’admirer le caractère si étrangement suggestif. Ainsi régna sur son royaume artificiel mais bien ordonné, Roger de Hauteville, monarque d’esprit occidental et de silhouette orientale, entouré d’un luxueux harem et dirigeant lui-même la plus pratique et la plus active des chancelleries.


Henri II et Thomas Becket.

… Henri Plantagenet devint à la mort de ses parents, roi d’Angleterre, duc de Normandie, comte d’Anjou, et — par son mariage avec Aliénor, femme divorcée de Louis VII de France, — maître de toute l’Aquitaine. Né au Mans, élevé à Rouen, ayant résidé à Angers puis à Bristol et enfin chez le roi d’Écosse à Carlisle, Henri Plantagenet n’était pas devenu pour cela anglais ni même normand. C’était un de ces « sans-patrie » féodaux, grands « ra-