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néphélococugie

Le cruel Mars esmouvant les courages
Aux fiers combatz, aux meurtres, aux carnages,
Parmy la plaine entassoit à monceaux
Les corps humains pasture des corbeaux,
Razoit les fortz, demanteloit les villes,
Ou les rendoit esclaves et servilles
Dessouz les loix des fortes garnisons,
Qui s’emparoient des plus riches maisons,
Les butinoient et en faisoient partage
Comme du bien de leur propre héritage :
Guerres, combatz, procès mal intentez,
Contentions, fraudes, impietez,
L’ambition, l’orgueil et l’avarice
De l’homme estoient l’ordinaire exercice :
On ne voyoit plus regner la vertu,
Dessuz, dessouz, tout estoit abattu,
Et l’action des hommes déréglée,
D’aucun esgard ne se voyoit réglée.
Qui la vertu, qui le vice servoit,
Qui tous les deux en mesme temps suivoit,
Chose incroyable et ensemble de vice
Et de vertu s’armoit en sa malice :
Bref un chacun selon sa passion
Regloit son âme et son affection,
Sans autrement se soucier de suivre
Le beau chemin qui conduist à bien vivre,
S’il ne voyoit que son profit y feust
Et que beaucoup de gaing il en reçeust.
Or maintenant que vostre ville est faicte,
Tous sont comblez d’une joye parfaicte
Et les soucis et les maux inhumains
Ont delaissé la terre et les humains :
La paix, l’amour et la saincte concorde
Unist les cœurs qui estoient en discorde,
Tout se void bien en ordre compassé
Et la vertu a le vice chassé.