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DES POTTOWATOMIES

sage, où un petit ruisseau se décharge dans le fleuve. Ce ruisseau s’appelle le Piasa, c’est-à-dire en langue sauvage l’oiseau qui dévore l’homme. Dans ce même endroit on remarque sur un rocher uni et perpendiculaire, au-dessus de la portée de la main, la figure d’un énorme oiseau ciselé dans le roc, les ailes déployées. L’oiseau que cette figure représente, et qui a donné le nom au petit ruisseau, a été appelé par les Indiens le Piasa. Ils disent que plusieurs mille lunes (mois) avant l’arrivée des blancs, quand le grand mammouth ou mastodonte que Na-na-bush a détruit, et dont on retrouve encore aujourd’hui les ossements, dévorait l’herbe de leurs immenses et vertes prairies, il y avait un oiseau d’une grandeur si démesurée, qu’il enlevait sans peine un cerf entre ses griffes. Cet oiseau, ayant goûté un jour la chair humaine, ne voulut plus depuis se rassasier d’autre mets. Sa ruse ne le cédait pas à sa force ; il s’élançait subitement sur un Indien, l’emportait dans une des cavernes du rocher et le dévorait. Plusieurs centaines de guerriers avaient essayé de le détruire, mais sans succès. Pendant plusieurs années, des villages entiers furent dévastés, et la terreur s’était répandue parmi toutes les tribus de l’Illini. Enfin, Outaga, chef guerrier dont la renommée s’étendait au delà des grands lacs, se sépara du reste de sa tribu, jeûna l’espace d’une lune dans la solitude, et pria le Grand-Esprit, le Maître de la vie, de vouloir délivrer ses enfants des griffes du