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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

jusqu’à ce que de la tête aux pieds elle soit couverte de brûlures. Alors on la force à recueillir avec ses mains du milieu des flammes la graisse qui découle du cadavre, et à s’en frotter le visage et tout le corps. Lorsque les nerfs des jambes et des bras commencent à se contracter, la malheureuse doit retourner sur le bûcher, et redresser ces membres. Si la femme a été infidèle à son mari ou négligente à pourvoir à ses besoins, les parents du défunt la jettent sur le bûcher en flammes, les siens l’en retirent, les autres l’y jettent de nouveau : elle est ainsi ballottée jusqu’à ce qu’elle tombe dans un état d’insensibilité complète.

Lorsque le corps est brûlé, la veuve doit ramasser les plus grands os, les envelopper dans une écorce de bouleau, et les porter au cou pendant plusieurs années. Dans cet état, on la considère comme esclave : les travaux les plus pénibles deviennent son partage ; elle est la servante de toutes les femmes, même des enfants, et la moindre désobéissance de sa part lui attire un châtiment sévère. Les cendres de son mari étant mises en terre, elle est chargée de surveiller l’endroit et d’en ôter les herbes. Souvent les malheureuses veuves se suicident pour éviter tant de cruautés. Au bout de trois ou quatre ans, les parents se concertent pour la relever de son deuil. Ils préparent un grand festin, et y invitent tout le voisinage. On introduit la veuve, portant encore les ossements de son mari : on les lui ôte pour les