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VOYAGES

été le seul dans tout le cours de notre voyage, où, à cause de l’embarras du départ et des adieux que nous faisions à nos amis, nous nous étions mis en marche sans songer à réciter l’itinéraire, ou les prières que l’Église prescrit aux voyageurs.

Dangers d’une autre nature, encore évités par la grâce de Dieu, je n’en doute nullement. Nous cheminions tranquillement sur les bords de la Platte. Malgré les avis du capitaine Fitz-Patrick, qui dirigeait la caravane, plusieurs jeunes gens s’étaient écartés de la bande, pendant que le capitaine, le P. Point et moi, nous avions pris les devants pour chercher un endroit propre à asseoir le camp. Nous venions précisément de le trouver et de desseller nos chevaux, lorsque tout à coup nous entendîmes le terrible cri d’alarme : Les Indiens ! les Indiens ! et en effet nous vîmes dans le lointain un grand nombre de sauvages se grouper d’abord, puis se diriger vers nous à toute bride. Sur ces entrefaites arrive à la caravane un jeune Américain à pied et sans armes ; il s’était laissé surprendre par les sauvages, qui lui avaient tout enlevé. Pendant qu’il se lamente de la perte qu’il vient de faire, et surtout qu’il s’indigne des coups qu’il a reçus, il saisit brusquement la carabine chargée de l’un de ses amis, et déclare qu’il retourne à l’ennemi pour tirer de l’offense une vengeance éclatante. À cette vue, tout le monde s’émeut, la jeunesse américaine veut se battre ; le colonel, en sa qualité d’homme de guerre, range