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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

celle-ci dans nos charrettes ; devenus un peu plus hardis, nous résolûmes de passer l’autre à cheval. Ce qui nous détermina à cette tentative, ce fut l’exemple de notre chasseur, qui, portant sur son dos une petite fille d’un an, chassait encore devant lui un autre cheval sur lequel était sa femme, et se faisait suivre d’un petit poulain, dont on ne voyait que la tête lorsqu’il se dressait dans les flots. Reculer en pareille conjoncture eût été honteux pour des Missionnaires. Nous nous avançâmes donc, les frères dans leurs charrettes, les PP. Point, Mengarini et moi, sur nos coursiers. Après la traversée, des voyageurs nous dirent qu’ils nous avaient vu pâlir au plus fort du courant, et je le crois sans peine ; toutefois nous en fûmes quittes pour la peur, et après avoir nagé quelque temps sur nos montures, nous arrivâmes au rivage, n’ayant de mouillé que les jambes, et pour être témoins de la scène du monde la plus risible, si elle n’avait été la plus sérieuse. Dans un même instant, nous vîmes le plus grand wagon emporté par le courant, malgré les efforts, les cris, l’adresse, le sang-froid, enfin tout ce que peuvent dire ou faire les gens d’un attelage qui pensent se noyer ; une autre charrette renversée de fond en comble ; un mulet n’ayant hors de l’eau que les quatre pattes ; d’autres allant à la dérive embarrassés dans leurs traits ; ici un colonel américain, les bras étendus et criant au secours ; là un petit voyageur allemand et sa faible monture disparaissant ensemble pour