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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

prières, ni les promesses libérales d’un marchand qui se trouvait là, rien ne fut capable d’adoucir ces barbares. Malgré la résistance de la pauvre fille, ils l’attachent impitoyablement aux branches de deux arbres et aux trois poteaux dont ses épaules avaient été chargées comme d’un trophée ; ils lui brûlent ensuite les endroits du corps les plus sensibles avec des torches ardentes, faites de ce même bois que ses propres mains avaient distribué aux guerriers de l’escorte. Après que son supplice eut duré aussi longtemps que la soif de la vengeance et l’exaltation du fanatisme peuvent permettre à des cœurs féroces de jouir d’un si horrible spectacle, le grand chef lui décocha au cœur une flèche qui fut à l’instant suivie d’une grêle de traits, lesquels, après avoir été violemment tournés et retournés dans les blessures de la victime, en furent arrachés de manière à ne faire de son corps qu’un affreux amas de chairs meurtries, d’où le sang ruisselait de toutes parts. Quand il eut cessé de couler, le grand sacrificateur, pour couronner dignement tant d’atrocités, s’approcha de la fille expirante, lui arracha le cœur encore palpitant, et, vomissant mille imprécations contre la nation siouse, le porta à sa bouche et le dévora, aux acclamations des guerriers, des femmes et des enfants de la tribu. Après avoir laissé le corps en proie aux bêtes féroces, et répandu le sang sur les semences pour les féconder, chacun se retira dans sa loge, content de soi-même et plein de l’espoir d’une bonne récolte.