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VOYAGES

soldats, qui n’est qu’à six milles de leur village, ils se séparèrent de la caravane au grand galop et disparurent bientôt au milieu d’un nuage de poussière. À peine notre tente était-elle dressée, que le grand chef lui-même arriva avec six de ses plus braves soldats, pour nous offrir ses civilités sauvages. Après m’avoir fait asseoir sur une natte qu’il fit étendre par terre, il tira solennellement de sa poche un portefeuille et me présenta les titres honorables qu’il tenait du Congrès américain ; j’en pris lecture, et lui ayant procuré de quoi fumer le calumet, à son tour, en homme qui connaissait les convenances, il me fit accepter, pour notre garde, les deux braves qui étaient venus à notre rencontre. Tous deux étaient armés en guerre ; l’un portait la lance et le bouclier, l’autre avait un arc, des flèches, un sabre au clair, et un collier composé des griffes de quatre ours qu’il avait tués de sa propre main. Ces deux braves restèrent fidèles à leur poste, c’est-à-dire à l’entrée de notre tente, pendant les trois jours et les trois nuits qu’il nous fallut attendre les retardataires de la caravane. En les quittant, nous leur fîmes présent de quelques bagatelles, qui achevèrent de nous gagner leur affection.

Le 19, nous continuâmes notre route, au nombre d’environ soixante et dix personnes, dont plus de cinquante étaient en état de se servir de la carabine ; nombre plus que suffisant pour entreprendre avec prudence la longue course qui nous