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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Cette région est le rendez-vous des ours gris ; c’est l’animal le plus terrible de ce désert ; à chaque pas nous en rencontrions les traces effrayantes. Un de nos chasseurs en tua un et l’apporta au camp ; ses pattes avaient treize pouces de long, et chaque ongle en avait sept. La force de cet animal est surprenante : un sauvage m’a assuré que d’un seul coup de patte il avait vu un de ces ours arracher quatre côtes à un buffle qui tomba mort à ses pieds. Un autre de ma compagnie passant à la course près d’un bois de saules très-épais (c’est la retraite de l’ours lorsqu’il a ses petits), une ourse s’élança avec fureur vers son cheval, mit sa patte formidable sur la croupe du coursier, et déchirant les chairs jusqu’aux os, le renversa avec son cavalier. Heureusement pour mon homme, en un clin d’œil il fut debout, fusil en main, et eut la satisfaction de voir son terrible adversaire retourner dans les saules avec la même précipitation qu’il en était sorti. Il est cependant rare qu’un ours attaque l’homme, à moins que ce dernier n’arrive subitement sur lui, ou qu’il ne le blesse. Si on le laisse passer sans injure, il se retire, montrant que la crainte de l’homme est en lui, comme chez tous les autres animaux.

Pendant plusieurs jours nous dirigeâmes notre course par la vallée de la Roche-Jaune. Le buffle y était rare ; car quelques jours auparavant des bandes de guerriers avaient parcouru le même pays. Toute la contrée le long de cette rivière