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avec le feu de la passion, des drames bien faits, des vaillantes comédies, des brillantes exigences de l’esprit quand il produit ses œuvres les plus délicates. Voilà ce que j’aime, et, avec ces amours de ma vie, un peu de liberté, un peu d’espace et de soleil… Je hais de toutes les forces de mon instinct le drame brutal de la violence, du désordre et des multitudes déchaînées. À quoi nous mènent ces changements qui déshonorent l’histoire ? Ils hébètent un grand peuple, ils le troublent, ils le dégradent, ils le perdent, ils l’habituent à courber la tête, ils l’arrachent aux choses qu’il aime le plus, à la poésie, à la philosophie, aux beaux-arts, à toutes les grandeurs de l’intelligence… Plus d’écrivains, nous avons des parleurs ; plus de poëtes, nous avons des députés ; parmi ces députés se sont absorbés même les poëtes, et les voilà proclamant dans un affreux patois la liberté, entourée de ses garanties, comme Apollon au milieu de ses nymphes sur les hauteurs de l’Ida, le centre droit, le centre gauche… et le reste. Affreux charabia, cette langue politique, qui est devenue un domaine de la langue française, et qui nous mènera, si l’on n’y prend garde, à parler comme des sauvages. Je sais bien ce qu’on va dire : le despotisme. Ah ! oui, le despotisme ! Eh bien ! je m’accommoderais volontiers, je le jure, d’un tyran comme Louis xiv, entouré des plus rares chefs-d’œuvre qui aient honoré la langue française et l’esprit humain. En ce temps-là, c’était un honneur rare et charmant d’être lu par tant de juges excellents dans tous les genres de controverses, entre Port-Royal-des-Champs et l’hôtel de Rambouillet. Le style était non