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II. En arrivant au Caucase, Apollonius et ses compagnons, d’après la relation de Damis, remarquèrent que la terre avait comme un parfum nouveau pour eux. C’est à cette chaîne de montagnes que, selon nous, commence le Taurus, qui traverse l’Arménie, la Cilicie, et s’avance jusqu’en Pamphylie et au promontoire de Mycale, en Carie : ce promontoire doit être considéré comme l’extrémité du Caucase, et non, ainsi qu’on le dit quelquefois, comme son commencement. Il est certain que la hauteur du mont Mycale est peu considérable, tandis que les sommets du Caucase sont tellement élevés qu’ils interceptent les rayons du soleil. Avec l’autre partie du Taurus, le Caucase embrasse toute la Scytbie, qui confine à l’Inde près des Palus Méotides et sur le côté gauche du Pont, sur un espace de vingt mille stades : telle est l’étendue des pays qu’enferme un des bras du Caucase. Quant à ce que nous disons, que notre Taurus s’étend au delà de l’Arménie, on a pu en douter autrefois, mais c’est un fait que confirme aujourd’hui la présence des panthères qui ont été prises dans la partie de la Pamphylie qui produit les aromates : les panthères, en effet, aiment les aromates, les sentent de fort loin, et, suivant les montagnes, quittent l’Arménie pour chercher les larmes du storax, lorsque le vent vient de ce côté et que les arbres distillent leur gomme. On dit même qu’on prit un jour en Pamphylie une panthère qui avait au cou un collier d’or, sur lequel étaient écrits ces mots en lettres arméniennes : « Le roi Arsace au dieu Nyséen. » Arsace était alors roi d’Arménie : il avait vu, je suppose, cette panthère, et, à cause de sa grosseur, il l’avait consacrée à Bacchus, que, dans l’Inde et dans tout l’Orient, on appelle Nyséen, du nom de la ville indienne de Nysa[1]. Cette bête avait été quel-

  1. Bacchus était considéré comme le fondateur de cette ville.