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n’est que par force et par impuissance d’aimer. Qu’est-ce donc que la chasteté, si ce n’est la résistance aux désirs et à l’emportement des sens, si ce n’est l’abstinence volontaire et la victoire remportée sur cette sorte de rage qu’on appelle la passion ? — Nous reviendrons sur ce sujet, dit Damis ; mais que répondrez-vous demain aux offres brillantes du roi ? Il serait temps d’y penser. Peut-être ne demanderez-vous rien ; mais prenez garde qu’il ne paraisse y avoir quelque orgueil à refuser les bienfaits du roi ; songez que vous êtes à Babylone, et que nous sommes entre les mains du roi. N’allez pas encourir le reproche de mépriser le roi. Songez que, si nous avons assez de ressources pour aller jusque dans l’Inde, nous n’en avons pas assez pour le retour, et que nous n’aurons guère de moyen de nous en procurer. » C’est ainsi que Damis mettait toute son adresse à engager Apollonius à ne pas refuser les faveurs qui lui étaient offertes.

XXXV. Apollonius répondit à Damis en feignant d’abord de lui fournir des arguments : « Vous oubliez de me citer des exemples. Ne pourriez-vous pas me dire qu’Eschine, fils de Lysanias, vint en Sicile attiré par les richesses de Denys ? Que l’or de Sicile détermina Platon à braver trois fois Charybde ? Qu’Aristippe de Cyrène, Hélicon de Cyzique et Phyton, exilé de Rhégium, se plongèrent si bien dans les trésors de Denys que c’est à peine s’ils s’en purent tirer ? Et Eudoxe de Cnide, lorsqu’il alla en Égypte, n’avoua-t-il pas qu’il n’avait pas eu d’autre motif que l’argent pour faire ce voyage, et ne fit-il pas marché avec le roi ? Sans relever un plus grand nombre de ces petites faiblesses, ne dit-on pas que l’Athénien Speusippe avait à un tel point la passion de l’or, qu’il alla en Macédoine, aux noces de Cassandre, et qu’il y récita en public, moyennant salaire, quelques froides pièces de vers composées