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sagesse, et gravant dans sa mémoire tout ce qu’il entendait. Cet Assyrien parlait avec peu d’élégance : mais, si l’habileté de la parole lui faisait défaut, comme à un homme élevé parmi les Barbares, il était parfaitement en état de relater ce qui se faisait ou se disait, de noter ce qu’il voyait ou entendait, de tenir un journal de tout cela, et même il le tenait aussi bien que personne. Il intitula ce journal les Reliefs. On y voit qu’il n’a rien voulu laisser ignorer de ce qui concernait Apollonius : tous les discours qu’il a tenus, toutes les paroles qui lui sont échappées, Damis en a pris note. Il n’est pas hors de propos de rapporter sa réponse à une objection qui lui a été faite au sujet de sa minutieuse exactitude. Un oisif, un envieux, lui en faisait un reproche, disant que Damis avait eu raison de rapporter les pensées et les maximes d’Apollonius ; mais qu’en recueillant les menus détails il avait fait à peu près comme les chiens qui se jettent sur tout ce qui tombe d’une table. « Eh bien ! répondit Damis, quand les dieux sont à table, il y a des serviteurs qui ont soin de ne pas laisser perdre la moindre goutte d’ambroisie. » Tel est le compagnon, tel est l’ami passionné qu’Apollonius rencontra à Ninive, et avec lequel il passa la plus grande partie de sa vie.

XX. Quand ils entrèrent en Mésopotamie, le percepteur des péages établi au pont de l’Euphrate les fit passer au bureau, et leur demanda ce qu’ils apportaient avec eux. « J’apporte, répondit Apollonius, la Continence, la Justice, la Force, la Tempérance, la Bravoure, la Patience, » et il énuméra encore plusieurs vertus dont les noms sont au féminin. Le percepteur, ne songeant qu’au droit d’entrée, lui dit : « Donnez-moi la liste de toutes ces esclaves. — Non pas, s’écria Apollonius : ce ne sont pas des esclaves, ce sont des maîtresses. » La Mésopotamie est le pays situé entre le Tigre et l’Euphrate, fleuves qui descendent de l’Ar-