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IL GUÉRIT UN HYDROPIQUE.

raître même en songe. Cependant, comme il se plaignait de l’oubli dans lequel il était laissé, Esculape vint à lui, et lui dit : « Cause avec Apollonius, tu t’en trouveras bien. » Le jeune homme alla trouver Apollonius : « Quel avantage, lui dit-il, puis-je retirer de votre sagesse » ? Esculape m’ordonne d’avoir un entretien avec vous. — Vous retirerez de cet entretien, répondit Apollonius, un avantage que vous apprécierez dans l’état où vous êtes. Car vous demandez, je crois, la santé. — Oui, la santé que promet Esculape, et qu’il ne donne pas. — Voyons, pas de mauvaises paroles ! Esculape donne la santé à ceux qui la veulent réellement ; mais vous, vous faites tout ce qu’il faut pour aggraver votre état. Vous vous livrez à la bonne chère, vous chargez de mets succulents vos entrailles humides et malades : c’est de la boue que vous mêlez à l’eau. » Une telle réponse était, si je ne me trompe, bien autrement claire que celle d’Héraclite : ce philosophe[1], ayant été attaqué de la même maladie, disait « qu’il lui fallait quelque chose qui pût changer l’humide en sec » ; ce qu’il était difficile d’entendre. Apollonius rendit la santé au jeune Assyrien, en lui parlant avec autant de clarté que de sagesse.

X. Un jour, Apollonius vit l’autel inondé de sang et tout couvert d’offrandes sacrées ; des bœufs égyptiens et des porcs d’une grosseur extraordinaire gisaient égorgés ; les sacrificateurs étaient occupés à écorcher ou à dépecer les victimes ; près de l’autel étaient deux vases d’or, enrichis de pierres des Indes d’une beauté merveilleuse. « Que signifie tout ceci ? » dit Apollonius, s’adressant au prêtre. « Votre surprise va redoubler, lui répondit le prêtre. L’homme

  1. Il était surnommé l’Obscur ; l’exemple cité par Philostrate donne une idée de l’obscurité dont il aimait à envelopper ses pensées. Il vivait au ve siècle avant J.-C.