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Mais les sceptiques absolus comme Lucien étaient rares. En général on croyait aux prodiges d'Apollonius de Tyane : seulement les uns les attribuaient à une vertu divine, les autres à la magie. Aussi lorsque, dans les premières années du ive siècle, Hiéroclès entreprit, dans son Philalèthe, de soutenir la première de ces opinions, Eusèbe n'hésita pas à se prononcer pour la seconde, dans le discours où il réfute Hiéroclès, et qui nous est resté[1]. Eusèbe ne fait pas de difficulté de mettre Apollonius au rang des plus célèbres philosophes ; mais il révoque en doute les prodiges qui lui sont attribués, ou déclare qu'ils ne peuvent venir que de la magie. C'est à la magie que les avaient également rapportés Lactance[2] et Arnobe[3]. L'auteur des Questions et Réponses à l'adresse des orthodoxes, ouvrage attribué à saint Justin, se place à un point de vue un peu différent de celui d'Eusèbe, et son point de vue est celui où se tiendront plus tard presque tous les docteurs chrétiens : il ne nie pas la réalité de ces prodiges, mais il y voit le résultat, en partie des connaissances d'Apollonius dans les sciences naturelles, en partie de l'intervention du démon[4].

À partir du moment où Hiéroclès, « seul entre tous les écrivains qui avaient attaqué la foi chrétienne[5], » se fut avisé d'opposer Apollonius de Tyane à Jésus-Christ, il semble que son nom seul dût être odieux à tous les chrétiens. Cependant, même après Eusèbe, nous voyons, au

  1. Nous en avons donné plusieurs extraits dans les Éclaircissements. Ils suffisent pour avoir une idée de l'ouvrage entier.
  2. Institution divine, V, 3.
  3. Traité contre les Gentils, livre I.
  4. Voyez la Question XXVI.
  5. Eusèbe, Réponse à Hiéroclès, au début. On voit qu'Eusèbe, mieux au courant que les modernes, ne partage nullement l'opinion qui fait de l'ouvrage de Philostrate une parodie des Évangiles.