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DE CONRART. [1652]

dans ses mains pour en répondre, et qu’ils le supplioient de ne donner aucuns passe-ports aux mazarins, afin que si on entreprenoit quelque chose contre Paris ou les faubourgs, ils pussent user de représailles sur ceux qui seroient en leur puissance. Au lieu de les gourmander et de les reprendre du peu de respect qu’ils avoient eu pour son passe-port, il les caressa, et leur fit donner trente-huit pistoles ; après quoi ils s’en allèrent. Il envoya madame de Bouillon et ses enfans dans la chambre de M. de Montereul[1]. secrétaire des commandemens de Madame, auquel elle-même conta cette histoire : c’est de lui que je l’ai apprise. Ses deux fils aînés étoient à cheval avec quelques autres cavaliers. On leur ôta à tous leurs pistolets, mais ils leur furent rendus. La duchesse d’Aiguillon, qui avoit pris le devant, échappa, et ceux qui coururent après son carrosse ne le purent atteindre. Quatre hommes à cheval de sa suite, qui étoient demeurés derrière, furent maltraités par une partie des mutins : et même on tient qu’il y en eut un de tué.

Vers ce même temps, M. le prince étant à une fenêtre du palais d’Orléans qui regarde sur la cour, laquelle étoit remplie de la racaille du peuple, comme elle l’est toujours depuis l’absence du Roi. il leur cria tout haut, en leur montrant le duc de Damville, qui étoit auprès de lui : « Messieurs, si vous voulez voir un franc mazarin, le voilà. » Bautru, qui fai-

  1. M. de Montereul : Matthieu de Montereul (ou Montreuil). frère cadet de Jean de Montereul, de l’Académie française. On a de lui des lettres insipides et des madrigaux, dont une demi-douzaine lui a survécu.