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en se rendant maître des passages ; que c’étoit pour cela qu’elle s’en alloit, et qu’il la falloit retenir pour gage. Ces premières crieries firent amasser un très-grand nombre de personnes de tout âge et de tout sexe, qui leur dirent cent outrages, et les menaçoient à chaque moment de les étrangler. On leur fit voir le passe-port de M. d’Orléans, dont ils se moquèrent, et dirent qu’ils ne se soucioient ni des princes ni de leurs passe-ports ; et que s’ils pensoient laisser ainsi sortir tous les mazarins qui étoient dans Paris, on ne se fieroit plus à eux. Un homme qui étoit le plus proche du carrosse prit le mouchoir que la duchesse de Bouillon avoit sur son cou à pleines mains, et lui serroit la gorge en lui disant mille injures. Elle lui dit, avec autant de tranquillité que si elle eût été assise bien à son aise dans sa chambre, qu’elle avoit la gorge si sèche qu’il ne feroit que se blesser ; et ensuite elle le flatta et le cajola, disant que s’il vouloit il la tireroit de la peine où elle étoit ; qu’elle voyoit bien qu’il étoit honnête homme, et qu’il n’avoit aucun dessein de lui mal faire. Cela gagna si promptement ce maraud, que tout d’un coup il lui dit qu’elle ne craignît rien, et qu’il mourroit plutôt que de souffrir qu’il lui arrivât aucun mal. Enfin elle les pria tous de résoudre ce qu’ils vouloient faire d’elle et de ses enfans ; qu’ils les laissassent passer, ou du moins qu’ils les ramenassent au palais d’Orléans. Ils lui accordèrent le dernier, et leur firent tourner les carrosses et les chariots, qui furent toujours suivis de toutes ces canailles. Il fallut qu’ils vissent décharger tout le bagage dans la cour avant que de se retirer. Ils dirent à M. d’Orléans qu’ils lui mettoient toutes ces personnes-