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[1652] MÉMOIRES

s’il étoit pris, de dire qu’il portoit le tout au curé ; et s’il ne l’étoit pas, de rendre l’eau et la lettre au duc de Saint-Simon.

Le paysan, après avoir fait de grands détours pour éviter l’armée navale des Bordelais, arrive à Blaye, donne la lettre et la fiole au duc de Saint-Simon, qui, n’y trouvant rien d’écrit que ce qui paroissoit pour le curé de Blaye, la communique au sieur de Bourgon ; et tous deux ensemble, après avoir bien considéré le derrière de la lettre, et n’y voyant point d’apparence d’écriture, crurent qu’il la falloit frotter de l’eau que le père Berthod leur envoyoit : ce qu’ils firent, et aussitôt ils découvrirent cinq ou six lignes d’écriture aussi noire que la plus belle encre du monde, qui disoient :

« Je suis arrêté par M. le prince de Conti et par l’armée ; envoyez-moi au plus tôt le même batelier qui m’a conduit de Blaye à Bordeaux ; qu’il apporte des habits de matelot dans sa chaloupe. Faites diligence ; autrement je suis perdu, et les affaires du Roi ruinées. »

Le duc de Saint-Simon, qui étoit bien intentionné pour le service de Sa Majesté, et qui ne manquoit pas d’occasions à le faire paroître, envoie, dès aussitôt qu’il eut reçu le billet du père Berthod, le batelier qu’il demandoit au couvent de la Grande Observance, qui dit à ce père que le duc de Saint-Simon et le sieur de Bourgon l’avoient fait venir en grande diligence avec des habits de matelot qu’il avoit dans sa chaloupe, et lui avoient dit de faire tout ce qu’il voudroit. Le père Berthod donne au batelier les habits de religieux qu’il avoit apportés de Paris, et qu’il avoit quittés