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ordre que cela n’étoit pas véritable ; à quoi il fut reparti par le premier président : « Monsieur, vous n’avez dû m’interromprez ; le Roi ne le feroit pas, ou s’il le faisoit, il ne le devroit pas. Mais vous ne le pouvez ni ne le devez. » Et ensuite le premier président dit : « Qu’est-ce qui n’est pas véritable, monsieur ? Est-ce que vous n’avez pas fait battre le tambour ? est-ce que vous n’avez pas reçu des deniers d’Espagne ? est-ce que vous n’êtes pas criminel de lèse-majesté, pour avoir fait battre le tambour ? Il n’y a personne qui en doute : celui qui a battu le tambour portoit vos couleurs, et il a passé devant ma porte. Ou vous l’avouez, ou vous le désavouez. Si vous l’avouez, il est donc vrai ce que je viens de vous dire ; si vous le désavouez, il le faut pendre, quoiqu’il soit habillé de vos couleurs. Pour les deniers de l’Espagne, on sait très-bien que vous en avez reçu. Tous les présidens et tous les conseillers de Bordeaux qui sont dans cette ville en déposeront ; et même depuis huit jours il paroît, par les registres des banquiers, qui sont des témoins muets, mais irréprochables, que vous avez touché six cent mille livres. Vous en avez envoyé cent cinquante mille à Balthasard[1], et employé ici une partie du reste à lever des troupes ; et si vous n’en aviez touché, quel moyen de faire la guerre contre le Roi ? » M. le prince répondit : « La cour, sans doute, ne vous avouera pas. » À quoi il fut répondu : « Mon aveu est sous mon bonnet ; et il n’y a personne dans cette com-

  1. Balthasard : Ce colonel étoit l’un des agens du prince de Condé. On a de lui l’Histoire de la guerre de Guienne ; Cologne, 1694.