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DE CONRART.

lui enseignoit, comme elle avoit dès-lors une imagination prodigieuse, une mémoire excellente, un jugement exquis, une humeur vive, et naturellement portée à savoir tout ce qu’elle voyoit faire de curieux et tout ce qu’elle entendoit dire de louable, elle apprit d’elle-même les choses qui dépendent de l’agriculture, du jardinage, du ménage de la campagne, de la cuisine ; les causes et les effets des maladies, la composition d’une infinité de remèdes, de parfums, d’eaux de senteur, et de distillations utiles ou galantes, pour la nécessité ou pour le plaisir. Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en prit quelques leçons avec assez de succès ; mais comme c’est un exercice où il faut donner un grand temps, quoique ce ne soit qu’un pur divertissement et un amusement agréable, elle ne se put résoudre à être si prodigue du sien, qu’elle tenoit mieux employé aux occupations de l’esprit. Entendant souvent parler des langues italienne et espagnole, et de plusieurs livres écrits en l’une et en l’autre qui étoient dans le cabinet de son oncle et dont il faisoit grande estime, elle désira de les savoir, et en peu de temps elle y réussit admirablement, tant pour l’intelligence que pour la prononciation  ; de telle sorte qu’il n’y avoit ni poëte ni orateur qui lui fût difficile. Dès-lors se trouvant un peu plus avancée en âge, elle donna tout son loisir à la lecture et à la conversation tant de ceux de la maison, qui l’aimoient tous aussi bien qu’elle, et qui étoient très-honnêtes gens et très-bien faits, que des bonnes compagnies qui y abordoient tous les jours de tous côtés. Au bout de quelques années qu’elle passa dans cette douceur de vie avec beaucoup d’uti-