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DE CONRART.

moit plus que sa vie, et à qui elle avoit accorde toutes choses seulement pour lui plaire, et pour tâcher à l’obliger de l’aimer aussi tendrement qu’elle l’aimoit : ce qu’il étoit incapable de faire ; car étant traité si favorablement d’une personne si accomplie et admirée de tout le monde, il n’avoit presque que de l’indifférence pour elle, jusqu’à se plaindre du temps qu’il perdoit à attendre et à rechercher les occasions de recevoir ses faveurs : elle les lui facilitoit pourtant le plus qu’il lui étoit possible, et se conduisoit avec tant de discrétion que jamais ni son mari ni aucun autre ne reconnut rien de cette intrigue qu’elle avoit. Quand il la devoit voir en particulier, il se tenoit caché dans un certain lieu secret du logis, qui étoit une espèce de caveau ou de petit cellier, où il demeuroit jusqu’à ce que les choses fussent en état de l’introduire dans sa chambre ; et un jour qu’il y fut quarante-huit heures, il s’y ennuya tellement qu’il a avoué à quelqu’un qu’il n’a jamais eu de plus grande joie que quand il sortit de ce lieu-là : ce qui marquoit qu’il n’estimoit pas la récompense qu’il recevoit de cette petite peine autant qu’elle le méritoit[1]. Souvent, pendant que le mari jouoit dans sa chambre, le galant étoit dans celle de la dame en toute sûreté, parce que le confident de leur amour étoit l’abbé

  1. Bussy-Rabutin a bien jugé le marquis de Vardes dans la lettre qu’il adresse à madame de Sevigné le 17 août 1654. « Je sais, dit-il, par M. le prince de Conti, que Vardes a dessein d’être amoureux de madame de Roquelaure cet hiver ; et sur cela, madame, ne plaignez-vous pas les pauvres femmes qui bien souvent récompensent par une véritable passion un amour de dessein, c’est-à-dire donnent du bon argent pour de la fausse monnoie ? » (Lettres de madame de Sévigne : Paris, Blaise, 1818, tome i, page 24.)