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MÉMOIRES

occasion lui en augmenta la passion, en lui en fournissant les moyens. Il passa ainsi quinze ou seize ans à mener une vie assez agréable ; mais l’an 1648, ayant été accusé d’être espion pour les Espagnols, il fut mis à la Bastille, où il demeura environ trois mois, au bout desquels on lui ouvrit les portes sans l’avoir interrogé, et sans qu’on lui eût parlé de rien. Cet accident commença à le dégoûter du séjour de Paris, où il voyoit aussi que toutes choses tendoient au désordre où elles tombèrent enfin au commencement de 1649 ; joint que la dépense y étant plus grande, et sa mère ayant diminué sa pension, qu’il eût été nécessaire d’augmenter, il ne pouvoit plus subsister qu’avec peine. À quoi il faut ajouter une autre raison assez extravagante, et qui étoit néanmoins sans doute la plus forte dans son esprit : c’est qu’en quelque voyage qu’il avoit fait dans son pays il avoit vu chez sa mère, où il étoit logé, la fille d’une de ses sœurs qui y demeuroit aussi, laquelle lui avoit tellement plu (car c’étoit une des plus belles filles de la ville) qu’il en étoit devenu éperdument amoureux ; ce qui étoit aperçu même à Paris de tous ceux qui le fréquentoient, parce qu’il leur parloit incessamment de sa belle nièce avec des termes et une émotion extraordinaires.

Étant donc retourné à Lille, il pria d’abord sa mère de ne point tenir sa petite-fille chez elle pendant qu’il y seroit : on la mit dans une religion, où elle fut quelque temps ; mais s’en étant lassée, elle fit tant d’instances pour revenir chez sa grand’mère, qu’enfin elle en obtint la permission. Elle n’y fut pas plus tôt, que Baves s’en plaignit, et conjura sa mère qu’au