Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
DE CONRART.

trou de la serrure, feignant qu’on lui disoit quelque chose en dedans la chambre ; et tout d’un coup il se retourne, et dit à beaucoup de gentilshommes de ses amis qui l’avoient suivi, ou qui l’étoient venus trouver : « Messieurs, allons, allons vite à la prison ; « la Reine m’a accordé la grâce du prisonnier. » Et en marchant il répétoit toujours les mêmes paroles : ce qui faisoit grossir à chaque moment la troupe de ceux qui l’accompagnoient. Comme il entra dans la place où étoit dressé l’échafaud, un homme qui étoit à une fenêtre pour regarder l’exécution, ayant des chausses noires et un pourpoint blanc, descend en hâte, et arrive à la prison comme le geôlier en ouvroit la porte au cardinal de Sourdis, qui y arrivoit aussi en même temps que lui. Cet homme, inconnu non seulement au cardinal, mais à tous ceux de sa suite, qui étoient en grand nombre, porte un coup d’épée au geôlier et le tue tout roide, puis se jette dans la foule et se sauve, sans que jamais on ait ouï parler de lui depuis. Le cardinal de Sourdis fut fort marri de la mort de ce geôlier, qui avoit été son domestique, et à qui il avoit procuré lui-même cette charge. Ensuite il entre dans la prison et en tire le gentilhomme, lequel avoit été tellement affoibli par la frayeur de la mort depuis qu’il sut sa condamnation, qu’il ne put marcher pour sortir, et il fallut qu’on le portât dehors. Aussitôt le cardinal de Sourdis entra avec le prisonnier qu’il avoit sauvé dans un bateau qu’on lui tenoit près, et s’en alla à Lormont. Le parlement s’assembla et rendit arrêt, en vertu duquel, dès l’après-dînée même, le cardinal fut trompeté par toute la ville. Pour lui, il interdit le lendemain toutes