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NOTICE

doute à lui faire adopter ce parti ; on le voit en effet, deux années après, faire à Godeau la peinture déplorable de l’état auquel il étoit réduit, dans une épître familière du 16 janvier 1660, qui n’a pas encore été imprimée.

Au milieu du mois de décembre,
Dans votre salle ou votre chambre,
À l’aspect de mille orangers
Qui parfument tous vos vergers,
Et dont la feuille est toujours verte,
Vous dînez la fenêtre ouverte,
Et respirez un air plus doux
Que celui de mai n’est pour nous ;
Tandis que, fort mal à mon aise,
Soit dans mon lit, soit dans ma chaise,
Mon logis me sert de prison,
Où la rigueur de la saison,
Tenant mon corps à la torture,
Est cause que l’hiver me dure
Plus que ne font l’été, l’automne et le printemps,
Et me tient lieu de Quatre-Temps,
Puisqu’il me fait faire abstinence,
Me réduit à la continence,
Et me donne pour pénitence
De vivre toujours en souffrance[1].

Chapelain, dans un Mémoire adressé à Colbert pour faire connoître à ce ministre les hommes de lettres qui pouvoient contribuer à la gloire littéraire du règne de Louis-le-Grand, écrivoit en 1662 : « La goutte de vingt années a tellement estropié M. Conrart, qu’il ne sauroit plus tenir la plume ; et depuis dix-huit mois son mal s’est accru de façon qu’il a plus de besoin de penser à mourir qu’à

  1. L’épître se compose de quatre-vingt-dix vers ; l’original autographe
    se trouve dans le manuscrit 902 (Histoire) de la bibliothèque
    royale de l’Arsenal, tome 9, page 285.