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DE CONRART.

elle, qui croyoit qu’elle seroit toujours adorée après avoir fait pour lui tout ce qu’il avoit désiré, et qui avoit accoutumé de l’être de toutes les personnes avec qui elle vivoit ordinairement, ne pouvoit s’accoutumer aux indifférences et aux caprices de son mari. D’ailleurs elle découvrit qu’il avoit des amourettes : ce qui mêla de la jalousie parmi ses autres mécontentemens, et causa ensuite beaucoup de mauvais ménage ; car, prenant du dégoût l’un de l’autre, ils ne songèrent plus qu’à se faire des niches, et expliquoient toutes choses en mal. Quand il venoit des demoiselles de campagne de mauvaise mine, qu’elle ne connoissoit pas, pour solliciter son mari pour quelque procès, elle disoit que c’étoit des messagères d’amour qui lui apportoient des lettres ou des nouvelles de ses maîtresses. S’il en venoit de belles, elle disoit qu’il leur avoit donné assignation sous prétexte de sollicitation. Si elle voyoit des plaideurs mal vêtus, et dont on ne lui pouvoit dire les noms, elle ne manquoit pas à les soupçonner d’être aussi des porteurs de poulets, ou des faiseurs d’ambassades ; et elle engageoit le portier à lui dire précisément les noms de toutes les personnes qui venoient demander son mari, lequel voyant qu’elle l’avoit gagné de la sorte, le chassa, et mit à sa porte un suisse qui ne connoissoit personne, qui n’entendoit pas un mot de français, et qui ne savoit pas même qui étoit la maîtresse de la maison. Elle de son côté, sachant qu’il avoit de l’aversion pour une certaine fille qu’elle vouloit prendre pour femme de chambre, et qu’il l’avoit priée plusieurs fois de ne pas prendre, ne manqua pas à la faire venir. Quand il la vit, il lui dit en se raillant d’elle qu’il vouloit