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DE CONRART. [1652]

choses qui se disoient, on jugeoit que si le duc de Nemours l’eût tué, sa personne ni sa maison n’eussent pas été en sûreté contre la fureur de la populace. On ne laissoit pas de plaindre fort le duc de Nemours ; mais on le blâmoit encore plus qu’on ne le plaignoit, parce qu’il s’étoit précipité inconsidérément dans le malheur qui lui étoit arrivé. Le duc de Beaufort eut le bonheur d’être excusé même par ceux qui ne l’aimoient pas. Quelques uns trouvoient pourtant qu’encore qu’il n’eût rien fait contre les lois du combat, dans les termes rigoureux de l’honneur, il devoit néanmoins par générosité, et par un mouvement de tendresse envers sa sœur, qui en avoit toujours eu une si grande pour lui, tirer son pistolet en l’air, étant assuré que dans la foiblesse où étoit le duc de Nemours, il ne lui pouvoit faire de mal avec l’épée, après qu’il eut tiré son pistolet inutilement. Mais la plupart crurent que, connoissant la haine et le mépris que son beau-frère avoit témoignés pour lui depuis quelque temps, il avoit été bien aise de se défaire de lui, puisqu’il le pouvoit faire si sûrement ; et quand on le voyoit par la ville avec un grand équipage de deuil, cela sembloit ridicule aux gens d’honneur, qui disoient qu’il faisoit comme l’empereur Charles-Quint, qui prit le deuil pour la prison du Pape, qu’il avoit fait arrêter par le général de son armée[1].

  1. Benserade a déploré la mort du duc de Nemours dans un sonnet qui n’est pas dans ses Œuvres, et que l’on croit être inédit. Le voici tel qu’il se trouve dans un recueil manuscrit de Gédéon Tallemant des Réaux, qui appartient à l’éditeur :

     Nemours, ce jeune prince aimé de tout le monde,
    Les délices, l’éclat et l’honneur de la cour,