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[1652] MÉMOIRES

de ses domestiques, que son mari s’étoit battu, et qu’il avoit été fort blessé. Voyant donc entrer cet évêque, elle ne douta plus de son malheur, et elle demeura quelque temps comme une statue ; puis, comme se réveillant tout à coup, elle versa un torrent de larmes sur madame de Brienne et madame…[1], qui étoient auprès d’elle, et s’écria : « Mon mari mort ! et sans parler ! et par mon frère ! » M. le prince y arriva un peu après ; et ayant ouï dire qu’il venoit, elle pria instamment qu’on ne le laissât point entrer, et dit qu’il étoit impossible qu’elle en pût supporter la vue, parce que c’étoit pour lui que son mari étoit péri. Il entra dans la chambre, et parla à l’évêque de Grasse et à plusieurs autres, mais non pas à elle ; on le visita comme s’il eût perdu un de ses plus proches, et il avouoit à tout le monde que rien ne l’avoit jamais tant touché que ce malheur.

La duchesse de Nemours se retira le lendemain aux Filles de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine, où elle fut fort long-temps ; et elle ne se laissoit voir qu’à l’évêque de Grasse, qui l’alloit visiter presque tous les jours, et à quelques autres personnes de piété dont l’entretien la pouvoit consoler. Elle avoit une telle passion pour son mari, qu’elle faisoit avec joie tout ce qu’il désiroit d’elle ; et par ce motif elle s’étoit obligée avec lui pour plus de quatre cent mille livres ; de sorte que la maison étant fort obérée, elle aura grand’peine à retirer assez de son bien pour satisfaire seulement aux dettes auxquelles elle est obligée, et ne pourra demeurer qu’incommodée avec ses deux filles[2].

  1. Madame… : Ce nom est en blanc au manuscrit.
  2. Ses