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[1652] MÉMOIRES

qu’il crut ne regarder que les mazarins, descendit pour parler au peuple et pour tâcher de l’apaiser. Son frère, qui étoit avec lui à l’hôtel-de-ville, assure qu’il en sortit pour aller faire armer sa colonelle, et l’amener là pour dégager tous les députés que l’on assiégeoit ; et que lui ayant été dit qu’il s’exposoit au danger de périr, il répondit qu’il aimoit mieux périr en tâchant de faire son devoir, que de se sauver en y manquant[1]. Mais il ne parut pas plus tôt, qu’il fut attaqué à coups de baïonnettes et de poignards ; et quoiqu’il se nommât, et qu’il leur répétât de toute sa force qu’il avoit toujours été dans leurs sentimens, ils n’eurent point d’égards à tout ce qu’il leur disoit, et le tuèrent sur la place. Quand on le reporta chez lui, sa femme étoit à sa fenêtre, qui voyant un corps mort que l’on portoit, croyoit que ce fût celui de quelque mazarin qui eût été tué, et ne songeoit point que son mari pût être en aucun danger, étant aussi frondeur qu’elle savoit qu’il étoit. Mais quand elle apprit que c’étoit lui, elle sentit des transports de douleur qui continuèrent fort long-temps, et qui lui troublèrent même l’esprit en quelque sorte ; tellement qu’elle faisoit et

    Qui de nos maux a ri plus de vingt ans ;
    Le roi de bronze(*) en eut le passe-temps.
    Quand sur le pont avec son attelage
    Il est passé.

    (*) Le roi de bronze : La statue de Henri IV sur le Pont-Neuf.

  1. Il avoit une entière confiance de n’être pas de ceux à qui l’on en vouloit, par les témoignages d’affection qu’il avoit toujours reçus des princes, et particulièrement ayant reçu le matin un billet de M. d’Orléans, qui est encore entre les mains de sa veuve, et qui portoit : « Nous avons bien besoin de tous nos bons amis de l’assemblée d’après dîner. Vous êtes de ce nombre ; ne nous manquez pas. » (Note de Conrart.)