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[1652] MÉMOIRES

l’eau. Ils en burent une telle quantité, que quand on en avoit apporté plein une grande buire[1] qui tenoit près d’un sceau, il falloit retourner la remplir. Enfin ils se désaltérèrent et refirent leur barricade, après avoir refermé la porte comme auparavant. Pendant qu’ils l’avoient ouverte pour avoir de l’eau, un conseiller de la cour des aides, nommé Brigallier, qui cherchoit à se mettre en sûreté sans savoir où il alloit, se rencontra en ce lieu-là, et ayant vu la porte ouverte, entra dans la chambre ; mais ceux qui y étoient ne le purent souffrir, pour l’horrible puanteur qu’il y causoit. Il leur dit que dans le danger où il s’étoit vu, et croyant qu’il n’y auroit aucune retraite assurée dans tout l’hôtel-de-ville, il avoit trouvé une corde, avec laquelle il s’étoit dévalé à l’entrée d’un aisement, à dessein d’y attendre que la furie du peuple fût passée ; mais que l’infection de ce lieu-là l’étouffant, il avoit été contraint d’en sortir, et qu’en cherchant quelque autre asyle il s’étoit rencontré là, où il les prioit de le souffrir : mais il les incommodoit de telle sorte qu’ils l’obligèrent à se retirer, et à aller chercher retraite ailleurs comme il pourroit ; ensuite de quoi ils refermèrent la barricade.

Goulas, secrétaire des commandemens de M. d’Orléans, et qui l’avoit suivi en venant à l’hôtel-de-ville, y étoit demeuré après que les princes en furent partis. Tous les autres se voyant en cet extrême péril, le conjurèrent d’écrire à son maître qu’il leur envoyât du secours. Il le fit, et son billet fut porté en diligence au duc d’Orléans, lequel étant pressé par celui

  1. Buire : Vase propre à mettre des liqueurs. (Dictionn. de l’Acad.) Pot à l’eau, cruche. (Glossaire de la langue romane, par Roquefort.)