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DU CARDINAL DE RETZ.

même raison. Cette conformité dans nos fortunes contribua beaucoup à notre liaison. Je me persuadai qu’elle étoit réciproque, et je me résolus de la mener en Hollande. Dans la vérité il n’y avoit rien de si facile, Machecoul, où nous étions venus de Beaupréau, n’étant qu’à une demi-lieue de la mer. Mais il falloit de l’argent pour cette expédition ; et mon trésor étant épuisé par le don des cent pistoles, je ne me trouvois pas un sou. J’en trouvai suffisamment, en témoignant à mon père que l’économat de mes abbayes étant censé tenu de la plus grande rigueur des lois, je croyois être obligé en conscience d’en prendre l’administration. La proposition ne plut pas ; mais on ne put la refuser, et parce qu’elle étoit dans l’ordre, et parce qu’elle faisoit en quelque façon juger que je voulois au moins retenir mes bénéfices, puisque j’en voulois prendre soin.

Je partis dès le lendemain pour aller affermer Buzay, qui n’est qu’à cinq lieues de Machecoul. Je traitai avec un marchand de Nantes, appelé Jucatières, qui prit avantage de ma précipitation, et qui, moyennant quatre mille écus comptans qu’il me donna, conclut un marché qui a fait sa fortune. Je crus avoir quatre millions. J’étois sur le point de m’assurer d’une de ces flûtes hollandaises qui sont toujours à la rade de Retz, lorsqu’il arriva un accident qui rompit toutes mes mesures.

Mademoiselle de Retz (car elle avoit pris ce nom depuis le mariage de sa sœur) avoit les plus beaux yeux du monde : mais ils n’étoient jamais si beaux que quand ils mouroient, et je n’en ai jamais vu à qui la langueur donnât tant de grâces. Un jour que nous dî-