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notice

vent son imagination lui fournit plus que sa mémoire. Il est faux dans la plupart de ses qualités ; et ce qui a le plus contribué à sa réputation est de savoir donner un beau jour à ses défauts. Il est insensible à la haine et à l’amitié, quelque soin qu’il ait pris de paroître occupé de l’une et de l’autre. Il est incapable d’envie et d’avarice, soit par vertu, soit par inapplication. Il a plus emprunté de ses amis qu’un particulier ne pouvoit espérer de leur pouvoir rendre ; il a senti de la vanité à trouver tant de crédit, et à entreprendre de s’acquitter. Il n’a point de goût ni de délicatesse ; il s’amuse à tout, et ne se plaît à rien : il évite avec adresse de laisser pénétrer qu’il n’a qu’une légère connoissance de toutes choses. La retraite qu’il vient de faire est la plus éclatante et la plus fausse action de sa vie : c’est un sacrifice qu’il fait à son orgueil sous prétexte de dévotion. Il quitte la cour, où il ne peut s’attacher ; et il s’éloigne du monde, qui s’éloigne de lui. »

Ce portrait, comme nous l’avons observé, se ressent un peu de l’indulgence qu’on commençoit à témoigner pour les anciens torts du cardinal de Retz : il annonce dans l’auteur l’intention de garder une grande impartialité à l’égard d’un contemporain dont il n’avoit pas eu à se louer ; mais La Rochefoucauld ignoroit que le prélat n’avoit point supporté sa prison avec fermeté ; et que sa conduite dans les pays étrangers, loin d’inspirer de l’estime, n’avoit fait que substituer le mépris à la haute opinion qu’on s’étoit faite d’abord de son caractère.

En partant pour Saint-Mihel, le cardinal laissa