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[1649] MÉMOIRES

travail avoit réussi, et que les dispositions étoient sensiblement et visiblement changées. Je mis Marigny en œuvre entre dix et onze ; et il fit ce fameux couplet, l’original de tous les triolets, M. d’Elbœuf et ses enfans, que vous avez tant ouï chanter à Caumartin[1]. Nous allâmes entre minuit et une heure, M. de Longueville, le maréchal de La Mothe et moi, chez M. de Bouillon, qui étoit au lit avec la goutte, et qui, dans l’incertitude des choses, faisoit grande difficulté de se déclarer. Nous lui fîmes voir notre plan, et la facilité de l’exécution. Il le comprit ; il y entra. Nous prîmes toutes nos mesures : je donnai moi-même les ordres aux colonels et aux capitaines, qui étoient de mes amis. Vous concevrez mieux notre projet par le récit de son exécution, sur laquelle je m’étendrai après que j’aurai encore fait cette remarque : que le coup le plus dangereux que je portai à M. d’Elbœuf dans tous ses mouvemens fut l’impression que je donnai par les habitués des paroisses, qui le croyoient eux-mêmes ; que je donnai, dis-je, au peuple, qu’il avoit intelligence avec les troupes du Roi, qui, le soir du 9, s’étoient saisies du poste de Charenton. Je le trouvai, au moment que ce bruit se répandoit, sur les degrés de l’hôtel-de-ville, et il me dit : « Que diriez-vous qu’il y ait des gens assez méchans pour dire que j’ai fait prendre Charenton ? Je lui répondis : « Que diriez-vous qu’il y ait des gens assez scélérats pour dire que M. le prince de Conti est venu ici de concert avec M. le prince ? » Je reviens à l’exécution du projet que j’ai déjà touché ci-dessus. Comme je vis l’esprit du peuple assez disposé et

  1. Louis-François Le Fèvre, mort en 1685. (A. E.)