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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

justement ce que j’avois à craindre à ce moment ? Sur le tout, je n osois me promettre tout-à-fait que M. le prince de Conti et M. de Longueville vinssent sitôt qu’ils me l’assuroient.

J’avois écrit la veille au second, comme par un pressentiment, que je le suppliois de considérer que les moindres instans étoient précieux, et que le délai, même fondé, est toujours dangereux dans le commencement des grandes affaires. Mais je connoissois son irrésolution. Supposé qu’ils arrivassent dans demi quart-d’heure, ils arrivoient toujours après un homme qui avoit l’esprit du monde le plus artificieux, et qui ne manqueroit pas de donner toutes les couleurs qui pourroient jeter la défiance dans l’esprit des peuples, assez aisée à prendre dans les circonstances d’un frère et d’un beau-frère de M. le prince. Véritablement, pour me consoler, j’avois pour prendre mon parti sur ces réflexions peut-être deux momens, peut-être un quart-d’heure pour le plus. Il n’étoit pas encore passé, quand M. d’Elbœuf entra, qui me dit tout ce que la cajolerie de la maison de Guise put lui suggérer. Je vis ses trois enfans derrière lui, qui ne furent pas tout-à-fait si éloquens, mais qui me parurent avoir été bien siffles. Je répondis à leur honnêteté avec beaucoup de respect, et avec toutes les manières qui pouvoient couvrir mon jeu. M. d’Elbœuf me dit qu’il alloit de ce pas à l’hôtel-de-ville lui offrir son service : à quoi lui ayant répondu que je croyois qu’il seroit plus obligeant pour le parlement qu’il s’adressât le lendemain directement aux chambres assemblées, il demeura ferme dans sa première résolution, quoiqu’il me vînt d’assurer qu’il vouloit en tout suivre mes conseils.