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et clemence, et non pas diffamée par cruauté. Joint aussi qu’en cette occurrence la pluspart des conjurez ne sçavoient où ils alloient, ny que c’estoit de crime de leze-majesté, et n’avoient autre but que d’estre asseurez, par le moyen de la requeste qui se devoit presenter pour la liberté de leurs consciences, de quelque soulagement au reste de la France. Aucuns ont voulu remarquer que l’on pardonnoit moins aux protestans qu’aux catholiques qui estoient de la conspiration, de quoy ils se servirent pour r’allumer le feu de la faction, qui n’estoit pas esteinte.

Et si le cardinal de Lorraine, qui vouloit faire cognoistre un zele à la religion catholique, eust pu dissimuler que le prince de Condé avoit eu part à la conjuration, et qu’il n’en eust jamais esté inquiété, comme le duc de Guise estoit de cette opinion, les protestans n’eussent peut-estre pas trouvé un prince du sang pour leur chef, qui fut cause d’un merveilleux changement par tout le royaume.

Or, afin de pourvoir à l’avenir à la seureté du Roy et de son Estat, l’ou expedia lettres-patentes, par lesquelles il estoit porté que plusieurs, sous titre et ombre de religion, s’estoient efforcez de vouloir prendre le Roy, la Reyne sa mere, et leur conseil, pour tuer les uns, chasser les autres, et disposer entierement de tout l’Estat du royaume à leur plaisir. Et pour obvier dès-lors en avant à telles entreprises, par les mesmes lettres le duc de Guise estoit estably lieutenant-general[1]

  1. Estoit estably lieutenant general. Les lettres patentes par lesquelles le duc de Guise fut nommé lieutenant général sont très-remarquables ; elles sont ainsi conçues : « François, par la grace de Dieu, etc., jugeant qu’il est bien necessaire de commettre aucun bon, grand et notable personnage, ayant le credit et auctorité requis en telles affaires,