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prendre le costé de la Picardie à la main droite, pour y vivre plus commodément, jusques à ce que la paix fust establie, et que luy-mesme eust veu et cognu le besoin qu’il y en avoit, et que les troupes auroient des commissaires des vivres pour leur faire bailler tout ce qui seroit necessaire. Estant retourné vers le duc Jean Guillaume, et luy ayant fait entendre ce que dessus, il fit appeller tous ses colonels et capitaines, et se mit en grande colère, disant qu’il se plaignoit grandement du Roy, et en particulier de moy, de luy avoir apporté cette nouvelle, qui seroit aussi desagreable à ses reistres qu’à luy, pour les avoir amenez en esperance de faire un bon service au Roy et les faire combattre contre ses ennemis, avec bonne intention de luy remettre et asseurer sa couronne. Que c’estoit lui faire un deshonneur de l’avoir amené si avant dedans la France, à la foule du pauvre peuple, sans le delivrer de l’oppression des huguenots que le Roy craignoit par trop, et ne les avoit pas chastiez comme maistre, mais leur avoit accordé toutes choses comme compagnon. Que pour le regard du duc Jean Casimir, son beau-frère, encore qu’il eust espousé sa sœur, fille de l’électeur Palatin, il avoit bonne espérance que, s’ils se fussent rencontrez au combat, il luy eust fait cognoistre qu’il estoit bien plus juste de combattre pour la bonne cause du Roy, que pour la mauvaise de ses sujets. Qu’il craignoit de retourner en Allemagne, où l’on se mocqueroit de luy d’estre venu en France pour n’y faire autre chose ; et me monstra beaucoup de mecontentement, ou sur les répliques que je luy fis et la priere de venir voir le Roy, qui le rendroit très-content, et desiroit prendre conseil de luy en ses plus grandes affaires.