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le prince, duquel le grand courage ne pouvoit plus souffrir qu’on reculast, mit en délibération de retourner à Paris, disant qu’il le regagneroit le premier, et y trouveroit les tranchées et les faux-bourgs sans résistance, et qu’il lui donneroit un second estonnement plus grand que le premier, et fermeroit le retour à l’armée du Roy, laquelle seroit contrainte d’aller prendre un grand tour pour passer la rivière, et rentrer par l’autre costé audit Paris ; que cependant il prendroit son advantage sans se retirer devant ses ennemis.

Cette opinion du prince de Condé, plus gaillarde et courageuse que raisonnable, l’eust emporté si l’Admiral n’y eust entièrement contredit, en remonstrant que l’armée du Roy auroit bien-tost repassé, ou se mettroit entre Orléans et eux pour leur couper les vivres sans difficulté, ou peut-estre iroit assiéger et prendre ledit Orléans, ou enfin les viendroit enclorre dedans les tranchées, pour avoir Paris en teste d’un costé, et l’armée du Roy en queue de l’autre. De sorte que l’opinion de l’Admiral l’emporta, attendu mesmement que leurs reistres et lanskenets les pressoient pour avoir de l’argent, ausquels ils n’en pouvoient bailler autre que celuy qui leur estoit promis d’Angleterre.

Toutes ces choses bien débattues et mises en considération, et que la perte de leur armée estoit la ruine entière et évidente de tous les huguenots de France, lesquels ne se pourroient jamais relever, il fut conclu qu’ils iroient droit en Normandie suivant leur première délibération ; joint que sur toutes choses l’Admiral craignoit la perte d’Orléans comme de leur magasin et retraite, attendu que l’armée du Roy estoit la plus forte de gens de pied, et qu’il y avoit force artil-