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de disner encore le lendemain avec luy ; mais je partis du matin pour reprendre ma troupe, et fis une grande traitte ce jour-là, auquel ne m’ayant pu attraper, ils firent toute diligence d’advertir lesdicts huguenots et autres qui leur estoient favorables, et quelques troupes qui alloient trouver le comte de Montgommery, pour me couper chemin ; ce qu’ayant fait de plusieurs endroits, ils me chargèrent en un lieu estroit avec ce peu de gens que j’avois, de sorte que mon cheval ayant esté tué, moy blessé et porté par terre, je fus pris prisonnier par la pratique dudict duc de Bouillon, qui s’en est toutesfois depuis voulu excuser, disant qu’au contraire il avoit voulu empescher l’entreprise.

Je fus mené au Havre de Grâce, la nuit ensuivant, par mer, où d’arrivée l’on me menaça de mauvais traitemens, parce que le duc d’Aumale et ceux du parlement de Rouen, qui estoient à Louviers, faisoient, comme ils disoient, plusieurs cruautez contre aucuns de la noblesse qui s’estoient retirez là. Neantmoins je reçus beaucoup de faveur de Beauvois-la-Nocle, qui y commandoit, et fus mis en garde es mains du jeune de La Curée, qui me fit bon traitement. Cependant je trouvay moyen d’envoyer vers le duc d’Estampes et de Martigues, que j’advertis de tout ce que je leur eusse pu dire moi-mesme ; lesquels, estans joints avec Matignon et les forces de la basse Normandie, assiégèrent et reprirent Sainct-Lo, Vire et autres places, et en chassèrent toutes les forces des huguenots, qui estoient eparses et faisoient mille maux. Le comte de Montgommery en ce mesme instant arriva par mer au Havre de Grâce pour s’aller mettre dedans Rouen, et ne fut que deux jours à y aller avec ce qu’il put mener