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estoient allés devant, curieux de voir telle assemblée et nouvelle forme de prescher, sans autre dessein s’approchèrent jusques à la porte du lieu, où il s’émeut quelque noise avec paroles d’une part et d’autre. Aucuns de ceux de dedans qui gardoient la porte jetterent des pierres, et dirent des injures aux gens du duc de Guise, les appellant papistes et idolastres. Au bruit accoururent les pages, quelques gentils-hommes et autres de sa suite : s’estans eschauffez les uns les autres avec injures et coups de pierres, ceux de dedans sortirent en grand nombre, repoussans ceux de dehors. Ce qu’estant rapporté au duc en se mettant à table, et que l’on tuoit ses gens, il s’en alla en grande haste, où, les trouvant aux mains à coups de poings et de baston, s’approchant du lieu où se faisoit le presche, luy furent tirez plusieurs coups de pierres, qu’il para de son manteau : et lors se voulant advancer plus près de la grange, tant pour se mettre à couvert que pour appaiser ce désordre, il se fit plus grand ; dont il advint, comme il disoit, qu’à son grand regret quelques-uns de ceux qui estoient audit presche furent blessez et tuez, dequoy chacun faisoit diverse interprétation. Cet accident estonna la Cour[1], et plus les protes-

  1. Cet accident estonna la Cour. Au moment du passage du duc de Guise à Vassy, les deux partis étoient très-animés l'un contre l'autre, parce que, le 17 décembre de l'année précédente, l'évêque de Châlons-sur-Marne, s’étant présenté au prêche pour faire réfuter la nouvelle doctrine par un théologien célèbre, fut indignement chassé. Le ministre qui prêchoit pendant ce tumulte, étoit Léonard Morel. Il avoit été envoyé de Genève à Vassy par Théodore de Bèze, et y étoit arrivé le 27 janvier 1562. Au milieu des clameurs des deux partis, il continua quelque temps de prêcher ; mais, voyant le danger extrême, il quitta sa robe, et voulut fuir. Le duc de Guise, devant lequel il fut amené, lui dit : Tu es la cause de la mort de tous ces gens ; et il donna