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ceux qui estoient mandez de tous les endroits du royaume, le Roy et la Reyne sa mère présens. Il discourut fort amplement et disertement, comme aussi il estoit éloquent, de la religion protestante, sans estre nullement interrompu, jusques à ce qu’il se hazarda de dire en telle compagnie, que le corps de Jesus-Christ estoit autant éloigné de l’hostie comme le ciel de la terre.

Alors les evesques et seigneurs catholiques commencèrent fort à murmurer : ce nonobstant, le Roy permit qu’il eust entière audience. Mais ayant achevé, le cardinal de Tournon, tant pour la dignité qu’il avoit que pour son aage, avec le zèle de la religion catholique, et pour ce qu’il avoit toujours manié les affaires d’Estat, prit la parole, et, l’adressant au Roy, dit qu’il ne pouvoit plus ouyr tant de blasphèmes contre l’honneur de Dieu et son sainct Évangile, en suppliant le Roy, au nom de tous les prélats qui estoient présens, de ne croire en des propos si scandaleux : au contraire, que

    plus, que ne devez estimer ennemis ceux qu’on dit de la religion nouvelle, qui sont chrestiens comme nous et baptisés j et ne les condamner par préjudices, mais les appeller, chercher et rechercher, ne leur fermer la porte, ains les recevoir en toute douceur, et leurs enfans, sans user contre eux d’aigreur et opiniastreté. » (Actes du colloque de Poissy, Mémoires de Condé, tome 2, pages 689 et 692.) Vers le même temps, Catherine de Médicis, allant plus loin que le chancelier, adressa au pape Pie IV des remontrances, où elle lui proposa d’admettre dans sa communion tous ceux qui recevoient les dogmes des six premiers conciles généraux. Elle ajouta que les calvinistes formoient la quatrième partie de la nation, et que les trois quarts des gens de lettres partageoieat leurs opinions. Ce calcul de Catherine de Médicis est évidemment exagéré, puisque Castelnau, dans le chapitre 1 du ive livre de ses Mémoires, dit qu’il y avoit pour lors en France cent catholiques pour le moins contre un huguenot.